GILLES COSTAZ vous parle de À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

20 Mar 2020

Gilles COSTAZ vous parle de « À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU »

Critiques / Théâtre
A la recherche du temps perdu de Marcel Proust
par Gilles Costaz

Le tournoiement de la mémoire

Proust au théâtre. C’est une transposition bien périlleuse que quelques aventuriers tentent de faire régulièrement. En général, le parti pris n’est pas celui de la grande reconstitution d’une société mondaine, comme le cinéma a pu le faire à plusieurs reprises, mais celui de la miniature où l’évocation passe d’abord par la diction du texte et par la mise en place d’une atmosphère. Le spectacle réglé par Virgil Tanase – grand écrivain qui n’a jamais rompu avec son goût du théâtre et de la mise en scène – se place dans cette continuité. C’est un moment à une voix, à un acteur. Le décor est 1900, rétro, nostalgique. Mais les éléments – un miroir, un fauteuil, un gramophone (qui fonctionne) – se détachent de l’obscurité. Ils semblent à peine posés, comme cette écharpe blanche que l’acteur va suspendre en entrant en scène.

Tout est centré sur le souvenir. Le choix de textes comprend bien entendu le passage sur l’émotion déclenchée par la mastication d’une madeleine mais, dans un montage subtil qui tourne comme une valse, fait se succéder d’autres pages hantées par la mémoire, l’attente du baiser quotidien de la mère et bien d’autres… C’est un calme et pourtant brûlant tournoiement.

David Gras est tout de blanc vêtu. L’acteur traduit ainsi un homme de la bonne société, soucieux de son élégance, mais pris dans la mélancolie, par sa quête lancinante du « temps perdu ». Il ne reste pas dans l’immobilité – comme on joue généralement Proust -, il a les gestes d’une personne qui veut s’expliquer et même convaincre, d’une façon un peu désespérée. La voix est tendre, mais ferme. Les émotions sont là mais non libérées, non transparentes. Nouées au contraire. C’est une courte, belle et saisissante plongée dans une écriture, un temps et une âme heureuse de sa nostalgie.