"COMMENT J'AI DRESSÉ UN ESCARGOT SUR TES SEINS" • VU PAR LE BRUIT DU OFF TRIBUNE

27 Jan 2019

••• HISTOIRE(S) DE SENTIMENT(S) > Article de Marguerite DORNIER pour LE BRUIT DU OFF TRIBUNE •••

« Mais je ne savais pas que c’était une comédie ! » entend-on murmurer dans la salle. On rit, généreusement, mais ce n’est pas une comédie. On a ce nœud si particulier entre la gorge et un ailleurs qui descend jusqu’au cœur, mais ce n’est pas une tragédie. Ce spectacle qui se joue comme un secret à la Contrescarpe, c’est de la poésie. Une poésie vivante, une poésie en chair, en os, en eau, avec quelque chose de profondément sanguin. Salvatore Caltabiano est intime, exact et brillant. C’est tellement évident qu’un comédien croit et aime le texte qu’il porte ; c’est souverain, sur scène ; c’est le plus haut gage de qualité, et j’en gage à mon tour : « Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins » est une gourmandise, un dessert, un petit régal.

Ses graves et sa lumière, son clair-obscur dans le timbre du comédien, sa joie aussi, font de ce petit moment de théâtre un de ceux qui demeurent quelque part dans l’âme. Salvatore Caltabiano promène son authenticité sur le verbe sans ambages, proche d’une pureté organique, de Matéi Visniec. Comme il a raison de dire ce texte. Comme il lui va bien. Comme il nous va bien, à tous, dans cette salle, tous étrangers et tous si semblables, réunis par et dans cette abîme de tendresse. Car là, avec ce cœur échappé d’une poitrine béante, dans un geste de poésie chirurgical, nous nous voyons bien dans le miroir de sa plaie.

Éric Craviatto est un compositeur tendre qui prolonge le verbe de Matéi Visniec et la voix de Salvatore Caltabiano d’un écho saisissant. Il rend polyphonique cette parole qui seule en scène a l’air parfois de nous tirer les mots du ventre où nous les avons oubliés ; tout ce spectacle, de ces saillies poétiques, de ces rires pris on ne sait trop comment à tout le monde et même aux murs, à ces incises musicales qui sont une poésie pour la poésie, regorge de tant de trouvailles qu’il doit bien en être une lui-même.

Seul prérequis : le lâcher prise. Pensez avec votre plaisir, et laissez un peu cette vieille machine qui nous dit comment comprendre à coups de bon sens en berne, pour laisser le verbe prendre sens par les sens. C’est de la poésie. Et c’est applaudi à tout rompre. On en sort délicieusement désarçonné, comme avec l’impression d’avoir été surpris dans son intimité la plus essentielle, mais par une personne qu’on aime.

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