JE N’AI QU’UNE VIE vous parle de LA CHUTE DE CAMUS

11 Nov 2021

JE N’AI QU’UNE VIE vous parle de « LA CHUTE » d’Albert CAMUS

La Chute au Théâtre de La Contrescarpe : Stanislas de la Tousche, impressionnant, sert le texte d’Albert Camus dans une mise en scène de Géraud Bénech, une mise en abyme qui laisse le spectateur fixer la limite entre la représentation et sa réflexion

Sur la scène, un bureau, une machine à écrire, un magnétophone à bandes, un miroir. Pendant que le public trouve sa place, un homme entre sur scène, en marcel et bretelles, écoute la bande au casque, tape à la machine… Cette nuit là, en novembre, je regagnais la rive gauche et mon domicile par le Pont Royal…

Cette nuit là, l’homme a vu une jeune femme tomber dans la Seine, il n’a pas réagi. Maintenant il est à Amsterdam, au Mexico City, un bar de marins. Il partage des genièvres avec un inconnu, il va lui raconter sa vie. La vie d’un avocat brillant à qui tout vient facilement, la réussite, l’argent, les femmes. Devant cet homme, il va prendre conscience de l’égoïsme, du vide de sa vie. Il a laissé un de ses camarades mourir sous ses yeux, il a manipulé les femmes, sans jamais s’intéresser à un autre que lui. Petit à petit, ce n’est plus de lui qu’il parle, mais de l’homme moderne, en tout cas dans sa version occidentale.

Le spectateur est là, il voit cet homme mettre à nu sa conscience devant un inconnu, s’observer à travers un miroir, laisser s’effondrer les valeurs sur lesquelles il s’est construit.
Le travail de Stanislas de la Tousche est impressionnant. Il sert le texte avec une profondeur qui force le respect, en se donnant le temps, dans les gestes, dans la voix, une voix sans urgence, qui sait allonger les syllabes, retrouver le ton du parisien bien éduqué des années 50. Avec lui, grâce à lui, je sentais petit à petit s’effondrer Jean-Baptiste Clamence, ses certitudes, ses barrières. Je voyais un homme qui ne s’est intéressé qu’à lui même franchir une borne, réaliser sa propre vacuité, cette vacuité à laquelle il ne peut plus échapper.

La mise en scène de Géraud Bénech apporte une mise en abyme complémentaire, il y a sur scène un acteur, deux hommes, celui qui se livre et celui qui écrit, Clamence et Camus. Clamence est-il Camus, je suis sorti sans trancher, faut-il d’ailleurs choisir entre le niveau de la réflexion et celui de la représentation, le spectateur observe-t-il Camus qui observe Clamence, ou le spectateur est-il, comme Camus, comme Clamence, un homme moderne face à sa vacuité… chacun trouvera sa frontière.

Une raison d’aller voir la pièce ? Parce que c’est Camus, et que c’est magistralement servi. Pour la beauté du texte. Parce que le propos est actuel, trop actuel. Parce que vous aimez le théâtre. Parce que Camus est à votre programme de Français ou de Philo. Parce qu’il vous arrive de réfléchir.