PLUME CHOCOLAT vous parle de LES SŒURS TATIN

18 Sep 2021

PLUME CHOCOLAT vous parle de « LES SŒURS TATIN • UNE VIE À LA TCHEKHOV »

En 2019, ne mesurant pas alors réellement à quel point la liberté de sortir était extraordinaire, a fortiori celle de sortir au théâtre, j’avais fait la découverte d’une version aussi surprenante qu’enthousiasmante d’Anna Karenine au Théâtre de la Contrescarpe. Une pièce presque prémonitoire qui présentait sous un jour nouveau cette femme confinée s’éprenant d’un – enfin ici d’une – autre que son époux légitime. Laetitia Gonzalbes, qui avait réussi le tour de force de faire ressortir la quintessence de l’œuvre en y mêlant du Maupassant et des poèmes de Jean Fournée, s’est cette fois fixé un défi aussi, voire encore plus fou : raconter l’histoire des deux sœurs Tatin en utilisant les mots des trois sœurs de Tchekhov.

Confirmant son talent d’écriture et d’adaptation, elle nous entraîne de nouveau dans une histoire d’enfermement et de souhait d’ailleurs : celle de Stéphanie Tatin, qui, au crépuscule de ses jours, relit sa vie et surtout se souvient avec émotion de Caroline, sa petite sœur bien-aimée, qui, malgré les tensions, a toujours été présente à ses côtés pour l’aider à tenir l’hôtel-restaurant hérité par l’aînée de leurs parents. De son fauteuil où elle repose solitaire en sentant la mort approcher, elle fait revivre ces scènes de complicité, de chamailleries, de partage, de joies et d’épreuves qui ont marqué leurs existences.

Mêlant théâtre et cinéma, grâce au talent de Mathilde Sereys et d’excellents comédiens ayant prêté leur enthousiasme et leur talent aux séquences filmées, ce récit de vie et de sororité oscille avec la grâce d’un skieur chevronné sur les pistes entre profondeur et légèreté. Anaïs Yazit incarne une Caroline à la fois candide et pleine d’espoir, rêvant d’amour et de devenir cheffe à la capitale, mais aussi pragmatique et serviable. Et Roxane Le Texier campe une Stéphanie séductrice faussement détachée et indépendante, faisant au mieux pour tenir l’hôtel au jour le jour.

Retraçant l’histoire familiale, témoignant de la vie à Lamotte-Beuvron à la fin du 19ème siècle, parlant du cœur des femmes, et un peu aussi de celui des hommes, les mots de Tchekhov résonnent par leur justesse et leur atemporalité. Les deux comédiennes, dont on perçoit la complicité, les portent avec conviction et enthousiasme, et nous font voyager tant au fil de leur histoire qu’en interprétant des chansons d’antan de leur voix mélodieuse et de leur sourire espiègle. Un délicieux moment, qui permet bien évidemment de découvrir l’histoire de la célèbre tarte aux pommes et donne envie de la déguster aussi sûrement que l’on savoure le spectacle.