REVUE ÉTUDES vous parle de JEANNE D'ARC

19 Juil 2021

REVUE ÉTUDES vous parle de « JEANNE D’ARC »

Le spectacle de Monica Guerritore, qui tourne depuis 2004 en Italie avec un succès public jamais démenti, est présenté cette saison au public français dans une traduction de Jean-Paul Manganaro. Seule en scène, Séverine Cojannot interprète une Jeanne d’Arc à la fois chrétienne et universelle, croyante et spiritualiste, catholique et humaniste. C’est le tour de force du spectacle, qui a certainement contribué à son succès : cette Jeanne croit en Dieu autant qu’en l’homme, c’est-à-dire en la femme qu’elle est aussi, tant il est vrai qu’on lui reproche de ne pas être qu’une femme. Jeanne est catholique et en cela comme son nom l’indique, universelle : elle n’a pas fait l’école, encore moins sa théologie, mais elle suit le chemin de sa lumière naturelle qui la guide naïvement vers la vérité, sa vérité, intus et in cute dira plus tard un autre persécuté.

La scénographie épouse avec esprit de finesse toutes les facettes d’un personnage à la fois historique (la guerre, le procès, le film de Dreyer, les éléments du costume) et emblématique de tous les combats de la liberté contre l’oppression dogmatique, idéologique, politique : le cyclorama en fond de scène s’anime de ces diverses images de révoltés jusqu’au manifestant inconnu qui a su faire danser et vaciller les chars un jour de juin 1989, non loin de la place Tian’anmen. Sur le plateau, se dresse surtout le poteau qui bien sûr matérialise l’exécution mais aussi l’érection d’une insurrection contre le mensonge politique et l’instrumentalisation intégriste : ce poteau, Jeanne en fera sa croix. C’est sans doute un des effets de ce spectacle tout en surimpressions : plus l’évocation du personnage se développe grâce au jeu sobre, sensible et inspiré de Séverine Cojannot que l’on avait déjà vu briller dans le noir d’un Marie Tudor mis en scène par Pascal Faber au Lucernaire ; grâce à la grande qualité d’un texte qui ne se prive pas d’emprunter à d’autres grands textes comme le De immenso de Giordano Bruno, plus la geste christique apparaît comme la structure-fantôme de ce spectacle si saisissant par ailleurs.

Sans pousser l’anachronisme plus qu’il n’est besoin, Jeanne rappelle de façon salutaire que l’être humain, c’est là où agit efficacement le miracle de la transcendance quelque que soit l’origine que l’on affecte à ces voix intérieures. Jeanne ne choisit pas car on n’interroge pas l’évidence, on l’accueille comme un don : l’intensité et la beauté d’un monde transcendé n’ont pas davantage besoin d’être traduites en langue scolastique ni d’être abusivement confisquées par des milieux autorisés. Jeanne, l’enfant sauvage de Dieu, n’entend pas, elle est à l’écoute.

Et ce soliloque est peuplé de multiples voix que Jeanne écoute : chacun peut bien ensuite les interpréter comme il les entend. Ce qui est certain, c’est qu’elles chantent la gloire des forces de l’esprit, contre l’esprit de parti.