SINGULAR’S vous parle de LE VOISIN DE PICASSO

29 Sep 2021

Olivier OLGAN pour SINGULAR’S vous parle de  » LE VOISIN DE PICASSO « 

Un jeune gardien de la salle Alexis-Joseph Mazerolle, voisine de celle de Picasso se désespère que son protégé soit quasi invisible malgré ses efforts pour attirer l’attention d’un public indifférent à cette ancienne gloire académique. Lui-même acteur au chômage en quête de gloire il s’interroge sur la fragilité de la reconnaissance du talent.

Un héroïque gardien de (salle) mémoire
Seul sur scène Rémi Mazuel ne ménage pas ses efforts et ses talents de pince-sans-rire décalé. Il incarne pas moins de quatre personnages – pour sortir de l’ombre Alexis-Joseph Mazerolle (1826-1889), l’ancienne gloire académique. Et le défi est de taille tant le peintre pompier star, contemporain et compagnon d’atelier de Claude Monet, Auguste Renoir, Alfred Sisley, est tombé dans l’oubli. Drôle, la plongée bourrée d’anecdotes piquantes et de silhouettes connues est très vivante « aux pays des sans-gloire, des inconnus au bataillon et des laissés pour compte qui n’en pensent pas moins » comme le dit l’auteur-interprète avec ce ton savoureux et engagé qu’il porte à incandescence grâce à la fluidité et aux astuces de la mise en scène par Marie-Caroline Morel.

Un triomphe au goût du jour
Rémi Mazuel déploie un talent de conteur pour réhabiliter le destin de A-J Mazerolle.
Pour tenter de réhabiliter l’ancienne gloire pompier – aussi contemporain des frères Flandrin – l’héroïque gardien de salle fait revivre son irrésistible ascension institutionnelle ; le spectateur suit les conseils et les attentes du professeur prêchant les sujets historiques. Et participe à ses triomphes, alors que ses camarades impressionnistes sont marginalisés, notamment les commandes du plafond de la Comédie-Française ou de la décoration du Conservatoire de musique de Paris, de l’Opéra Garnier, du Théâtre d’Angers … Célébrité démultipliée par le soutien de son éditeur qui diffuse ses œuvres sous forme d’un procédé neuf à l’époque, la lithographie.

Sortir ou rentrer dans l’ombre de l’histoire
Las, les goûts changent, et la disparition de l’essentiel de ses hauts faits d’arme par le feu l’a quasi effacé de l’histoire de l’art (voir une fiche wikipédia expéditive) malgré une exposition à La Piscine de Roubaix en 2015. En trame, le récit très enlevé interroge les mécanismes éphémères pour tout artiste de la notoriété et de l’ombre . Il ménage un retournement final plus intime, plus dramatique aussi qui ne manquera pas de toucher le spectateur. « On sait que parfois « l’enfer c’est les autres », mais si le vrai cauchemar c’était « pas de regard du tout » ? » plaide Rémi Mazuel.
Le spectateur lui a toutes les raisons de venir sans attendre porter un regard sur ce spectacle aussi profond que bien troussé.